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NOTICE

les murs sont escaladés ; un Français et un Vénitien y paroissent et y plantent leurs drapeaux ; les évêques de Soissons et de Troyes entrent des premiers dans la ville, et partagent avec les princes la gloire de l’avoir conquise.

La nuit approchoit ; on savoit que les palais, les églises et les monastères étoient fortifiés ; s’engager avec une armée peu nombreuse dans une ville immense qui n’avoit pas capitulé, c’étoit s’exposer aux plus grands dangers. Les chefs des Croisés résolurent donc d’attendre au lendemain, d’occuper le quartier dont ils s’étoient emparés, et de faire observer l’ordre le plus sévère.

Les événemens les plus extraordinaires se passèrent dans cette horrible nuit. Murtzuphle, après avoir persuadé à ses partisans que le mal n’étoit pas irrémédiable, et qu’il livreroit le lendemain aux Croisés une bataille décisive, se retira dans le palais, où il fit venir Euphrosyne et ses deux filles : il leur représenta que le danger étoit à son comble, et qu’il falloit fuir avec lui. Pour lier irrévocablement son sort à celui de l’usurpateur Alexis qu’il se proposait d’aller joindre, il déclara qu’il vouloit épouser sur-le-champ la jeune Eudocie. La résistance eût été vaine : la princesse lui donna sa main, quoiqu’elle aimât Léon Sgure, et Murtzuphle la reçut, quoiqu’il eût déjà deux femmes vivantes. Après cette cérémonie, l’usurpateur sortit secrètement de Constantinople avec sa nouvelle famille. Le désordre le plus affreux régnoit dans cette grande ville : un incendie presque aussi terrible que celui qui l’avoit désolée quelques mois auparavant venoit de se déclarer ; il étendoit ses ravages, sans que