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SUR VILLE-HARDOUIN

prêts lui arrachèrent les yeux en présence d’Eudocie, qui, quoique l’ayant épousé malgré elle, ne put refuser des larmes à son horrible sort. Cependant la punition de ses crimes n’étoit pas consommée, et un plus terrible châtiment lui étoit encore réservé. Ce misérable, aveugle, dépouillé de la pourpre, fut chassé honteusement de Messynople, et il ne conserva presque personne pour partager sa misère. Ses soldats se débandèrent ou prirent du service auprès d’Alexis.

Cette catastrophe venoit d’arriver lorsque l’Empereur joignit son frère à Andrinople. Croyant qu’Alexis étoit désormais son ennemi le plus redoutable, il résolut de le forcer dans Messynople, et de profiter de cette occasion pour soumettre tout le pays de Thessalonique. Lorsque Alexis apprit la marche de Baudouin, ne se croyant pas assez fort pour lui résister, et peu sûr des dispositions des habitans, il prit la fuite dans l’intention de se réfugier, avec sa famille, près de Léon Sgure dont il savoit que sa fille Eudocie étoit aimée. En même temps il donna son autre fille à Théodore Lascaris, espérant, par ce mariage, se ménager encore un appui dans sa détresse.

Aussitôt que Montferrat eut appris la marche île l’Empereur dans le pays qui lui étoit échu en partage, il craignit que ce prince ne voulût le dépouiller de son fief. Il se plaignit, mais en vain ; et l’entêtement, joint à l’amour-propre blessé, divisa deux princes dont l’union seule pouvoit consolider le nouvel empire. L’Empereur continua sa marche vers Thessalonique : Montferrat ayant réuni ses troupes s’empara de Didymotique, ville importante, et vint mettre le siège devant Andrinople. Son aigreur contre Bau-