Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Roy avoit bien laissé et ordonné plusieurs chevaliers à garder les malades sur la rive de l’eauë, mais ce ne nous servit de riens pour nous retirer à eulx ; car ilz s’en estoient tous fuiz. Et quant vint vers le point du jour, nous arrivasmes au passage ouquel estoient les gallées du Souldan, qui gardoient que aucuns vivres ne fussent amenez de Damiete à l’oust dont a esté touché cy-devant. Et quant ilz nous eurent apperceuz, ilz menerent grant bruit, et commancerent à tirer à nous, et à d’autres de noz gens de cheval qui estoient de l’autre cousté de la rive, grant foizon de pilles avec feu gregois, tant qu’il ressembloit que les estoilles cheussent du ciel. Et ainsi que mes mariniers nous eurent remis au cours de l’eauë, et que nous voulions tirer oultre, nous trouvasmes ceulx que le Roy avoit laissez à cheval pour garder les malades, qui s’enfuioient vers Damiete. Et le vent se va relever plus fort que devant, et nous gecta à couste à l’une des rives du fleuve. Et à l’autre rive y avoit si grant quantité de vaisseaux de noz gens que les Sarrazins avoient prins et gaignez, que nous ne ouzasmes en approucher. Et aussi nous voions bien qu’ilz tuoient les gens qui estoient dedans, et les gectoient en l’eauë. Et leur voions tirer hors des nefz les coffres et les harnois qu’ilz avoient gaignez. Et pour ce que ne voulions aller aux Sarrazins qui nous menaczoient, ilz nous tiroient force de tret. Et lors je me fis vestir mon haubert, affin que les pilles qui cheoient en nostre vessel ne me bleczassent. Et au bout de nostre vessel y avoit de mes gens qui me vont escrier : « Sire, Sire, nostre marinier, pour ce que les Sarrazins le menacent, nous veult mener à terre, là où