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TABLEAU

reux Renaud de Boulogne, victime de la politique ; la menace de le relâcher contint son gendre dans l’apparence de la soumission. La Reine donna en outre à Philippe une somme de six mille livres à prendre chaque année au trésor du Temple à Paris, et le prince promit de ne plus réclamer aucun apanage.

Elle ne fit aucun effort, ni aucune démarche pour ramener le comte de Champagne : l’aveugle passion de ce prince lui fit rompre les engagemens qu’il venoit de prendre, et braver les bruits affreux qui couroient sur lui. La Régente, ayant avec elle le jeune Roi, venoit de se mettre à la tête de l’armée : tout-à-coup on annonce l’arrivée de Thibaut : il se jette aux pieds du Roi, et, suivant un historien contemporain, il regarde avec tendresse la Reine dont le maintien étoit aussi noble qu’imposant : « Pardieu, Madame, lui dit-il, mon cœur et tous mes biens sont à vous. Pour vous servir, il n’est rien que je ne sois prêt à entreprendre. Jamais, s’il plaît à Dieu, je ne prendrai les armes contre vous, ni contre votre fils. » Après cet hommage inattendu, continue la grande chronique, il se retira tout pensif ; la beauté de la Reine, ses doux regards se retraçoient dans son souvenir, et il se livroit à toutes les illusions de l’amour ; mais bientôt, se rappelant la vertu de Blanche, et le rang élevé qu’elle occupoit, il abandonnoit ses chimères, et tomboit dans la tristesse la plus profonde.

La défection du comte de Champagne, et l’armée du Roi qui s’avançoit dans la Touraine, commandée par Mathieu de Montmorency, effrayèrent les seigneurs dont les préparatifs n’étoient pas achevés.