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de saint loys.

tonnez. Lors demanda le Roy aux mariniers quel conseil ilz donneroient de celle chose. Lesquelz mariniers lui disdrent : « Sire, pour tout conseil, si nous voulez croire, vous descendrez de ceste nef en une autre. Car nous entendons bien que puis que le fondement de ceste nef a souffert tel heurt, que toutes les aides de la nef sont tous eslochées[1]. Parquoy nous doublon grandement que quant viendra en la grant mer, que la nef ne puisse endurer les corps des undes de l’eauë, sans qu’elle perisse. Car tel exemple en avons nous veu, quant vous partistes de France, d’une autre nef qui avoit ainsi hurté et enduré tel coup, comme a celle-cy ; et quant elle fut en la grant mer, elle ne peut endurer les coups des undes de l’eau et se desrompit et despieça : et furent tous noiez ceulx qui estoient dedans, sans qu’il en eschappast, fors que une jeune femme à tout[2] son petit enfant qu’elle avoit entre les braz, qui d’aventure demourerent sur une des pieces de la nef que l’eauë emmena.» Et quant le Roy eut ouy ce que les mariniers lui avoient conseillé et donné l’exemple, moy-mesmes tesmoigné qu’ilz disoient veoir. Car j’avoie veu la femme et son enfant, qui estoient arrivez devant la cité de Baphe[3]: et les vy en la maison du conte de Joingny, qui les faisoit nourrir pour l’onneur de Dieu. Lors le Roy appella ses gens de conseil, pour savoir qu’il estoit de faire. Et tous lui conseillasmes faire ce que les mariniers lui avoient conseillé. Encores appella le Roy les mariniers, et leur de-

  1. Eslochées : ébranlées, déplacées.
  2. A tout : avec.
  3. Baphe : ville de Chypre.