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ANCIENS MÉMOIRES

juifs, qui luy faisoient une fort fidelle compagnie. Durant cet embarquement de Pierre pour Bordeaux, Henry, son ennemy, ne s’endormoit pas : il assembla son conseil auquel assisterent Bertrand, le maréchal d’Andreghem, Hugues de Caurelay, le sire de Beaujeu, Mathieu de Gournay et tous les autres generaux les plus distinguez de l’armée. Il leur fit part de la nouvelle qu’il avoit apprise, que Pierre étoit allé mandier du secours auprés du roy de Portugal, et leur demanda quelles mesures il luy falloit prendre pour empêcher ce prince d’entrer dans les interêts de son ennemy. Bertrand prit la parole et declara qu’il étoit à propos de dépêcher en Portugal quelque chevalier au plûtôt, pour apprendre en quelle assiette étoit cette affaire, et que pour détourner un coup si dangereux, il falloit menacer ce Roy d’entrer en armes dans ses États, et de luy donner tant d’exercice chez soy qu’il n’auroit pas le loisir de songer à secourir les autres ; qu’après qu’ils auroient fait la conquête du Portugal, ils pourroient attaquer les royaumes de Grenade et de Belmarin, passer sur le ventre à tant de juifs et de sarrazins, dont ils étoient remplis, et de la pousser jusques dans la Terre sainte, pour se rendre maîtres de Jérusalem, et reprendre sur les Infidelles ce que Godefroy de Boüillon le Grand avoit autrefois emporté sur eux.

On songea donc à choisir un homme de cœur et de talent pour bien s’aquiter de la commission dont on avoit envie de le charger auprés du roy de Portugal. On jetta les yeux sur Mathieu de Gournay, chevalier anglois, qui fut ravy d’avoir cet employ, parce qu’il mouroit d’envie de voir la ville de Lisbonne et la cour