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ANCIENS MÉMOIRES

corde au cou. Ce pauvre prince, voyant ses affaires toutes decousües, et Bertrand qui l’alloit quiter, luy témoigna le regret que luy causoit cette triste separation, l’assurant qu’il étoit au desespoir de l’avoir embarqué dans son party, puisque sa perte alloit devenir commune avec la sienne. Bertrand le conjura de ne se point mettre en peine de luy, puisque Dieu protégeoit ceux qui épousoient le party le plus juste comme le sien.

Ce prince prenant congé de luy, dit qu’il alloit en se retirant décharger sa bile et sa colere sur un escadron d’Anglois, au travers duquel il luy falloit passer pour faire sa retraite. En effet il se jetta tout au milieu des rangs comme un enragé, frappant d’estoc et de taille, à droite et à gauche, tuant, renversant tout ce qu’il rencontroit, et fut assez heureux pour s’ouvrir ainsi le passage de l’autre côté sans être blessé. Bertrand et le Besque de Vilaines qui furent les témoins de cette heureuse temerité se regarderent l’un l’autre admirans le courage et la valeur de ce malheureux prince qui se retira lui quatrième, disant : Aide Dieu, doubce vierge Marie, que m’est-il avenu en ceste place où ay perdu toute terre qui estoit gagnée ! Quand il eut un peu calmé sa douleur, il détacha l’un de ses cavaliers qui l’avoient suivy, pour aller avertir à toute bride la Reine sa femme, de s’aller incessamment mettre à couvert dans Tristemare avec toute sa cour, contre la mauvaise fortune qui venoit de leur arriver. Le reste des troupes d’Henry ne fit aucun devoir. Ces arbalêtriers génois qui devoient faire une si grande exécution ne rendirent aucun combat. Les Anglois les chassoient comme des moutons devant eux. Le peu