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ANCIENS MÉMOIRES

n’attirât quelque affaire à Bertrand qu’elle consideroit, l’alla tout aussitôt avertir qu’il se tint sur ses gardes, parce que son époux le vouloit accuser de quelque trahison. Guesclin, surpris de l’ingratitude du geolier, auquel il venoit de donner une assez grosse somme d’argent, ne luy donna pas le loisir de passer le guichet pour l’aller denoncer au prince ; il luy déchargea sur la tête un si grand coup de bâton qu’il le fît tomber sur ses genoux, et luy tirant les clefs de sa poche, il en ouvrit la porte à Henry et à ses deux compagnons, qui s’évaderent aussitôt avec le chevalier qui les avoit conduit dans ce lieu. Bertrand, ne se contentant pas de cela, referma vitement la porte sur eux, de peur qu’on ne courût après, et se saisissant des clefs il revint au geolier qu’il enferma dans une chambre après l’avoir tant battu, qu’il ne put être sur ses pieds de huit jours, et sans son valet de chambre, qui se trouva là fort à propos pour moderer un peu la furie de son maître, il l’auroit assommé.

La geolière qui luy avoit attiré tout ce mauvais traitement en révélant à Guesclin le mauvais tour qu’il avoit envie de luy faire, raccommoda tout. Le geolier en fut quite pour les coups de bâton qu’il avoit reçu et les reproches que luy fit Bertrand de son ingratitude, et durant tout le temps qu’il fallut employer pour faire cette paix et remettre le geolier sur ses pieds, les pelerins eurent tout le loisir de sortir des terres du prince de Galles. Quand Henry se vit hors de danger il quita son habit de pelerin, prenant son chemin par le Languedoc, et, s’arrétant à Besiers, il y rencontra le frère du Besque de Vilaines, qui le reconnut aussitôt, et luy faisant une profonde reve-