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ANCIENS MÉMOIRES

du bras d’un capitaine si fameux que l’étoit Guesclin, dont le nom seul étoit si redoutable aux Anglois, qu’il ne falloit que le prononcer pour leur faire prendre la fuite. Le Duc, après touttes ces conquêtes, retourna dans sa souveraineté d’Anjou, fort content du succés de ses armes, dont Bertrand avoit rétably la réputation. Celuy-cy reprit le chemin de Paris, où le Roy ne luy laissa point prendre racine, mais le renvoya sur ses pas en Auvergne pour attaquer le château de Randan, qui n’étoit pas encore soumis à son obéissance. Guesclin partit avec de fort belles troupes, esperant couronner touttes ses grandes actions par cette derniere expédition.

Ce fut en effet non seulement la fin de ses conquêtes, mais aussi celle de sa vie. Bertrand investit cette forte citadelle avec tout son monde ; mais avant que d’en venir à l’attaque, il voulut pressentir le gouverneur et le tâter pour l’engager à luy porter les clefs de sa place, luy disant qu’il étoit resolu de n’en point décamper qu’il ne l’eût par assaut ou par composition. Le capitaine fut à l’épreuve de toutes ces menaces ; il luy répondit fort honnêtement qu’il connoissoit la valeur et la réputation du general auquel il parloit, et la puissance du Roy qu’il servoit ; mais qu’il seroit bien malheureux s’il étoit assez lâche pour rendre une place bien forte d’assiette, bien fournie de vivres, et remplie d’une fort bonne garnison, sur une simple sommation ; que le roy d’Angleterre, qui luy en avoit confié la defense, le regarderoit comme un traître, et le puniroit du dernier supplice s’il étoit capable d’une semblable perfidie ; qu’enfin son honneur luy étant plus cher que