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ANCIENS MÉMOIRES

mere de ce prince. Elle crut qu’il étoit important de luy en donner avis au plûtôt. Elle congédia les pèlerins, ausquels elle donna cinquante doubles d’or pour continuer leur voyage, et resolut d’aller elle même de son pied trouver Henry dans son camp, pour l’avertir du peril qui le menaçoit, se persuadant que quoy que la nouvelle ne fût pas agreable, il luy sçauroit toûjours bon gré de son zele, et de luy avoir appris elle même tout ce qui se tramoit contre luy, pour luy donner le loisir de se précautionner contre une irruption qu’il ne sçavoit pas, et qui l’alloit infalliblement accabler.

Elle s’habilla donc en pellerine pour marcher avec plus de liberté et moins de soupçon, prenant seulement deux personnes avec elle pour l’accompagner et la servir sur les chemins. Elle fit tant de diligence, qu’en peu de temps elle arriva devant Tolede, dont Henry continuoit toûjours le siege. Elle commença par demander à parler à la Reine, à laquelle elle se découvrit et qui, la voyant ainsi travestie, luy fit aussitôt donner des habits proportionnez à sa qualité. Quand elle se fut un peu raffraichie, la Reine la mena dans la tente d’Henry, son epoux, qui tenoit conseil avec les principaux officiers de l’armée, dans le dessein de partager ses forces, d’en laisser toûjours la moitié devant Tolede et d’envoyer l’autre devant Seville, parce qu’on sçavoit de bonne part que les bourgeois étoient fort partagez entr’eux, les uns se déclarans pour Henry, et les autres pour Pierre, et l’on esperoit qu’on feroit pencher la balance entière du côté d’Henry, si l’on faisoit approcher de cette ville une armée en sa faveur. Leur conférence fut fort à propos interrompuë