Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 5.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
ANCIENS MÉMOIRES

sortoit toûjours avec avantage, et même sçavoit trouver dans sa défaite dequoy s’attirer de la gloire ; tant il avoit accoûtumé de bien payer de sa personne dans touttes les occasions heureuses ou malheureuses ; qu’il falloit donc songer à bien combattre, et que c’étoit un coup sûr que Bertrand ne se retireroit pas sans rien faire.

Tandis que ces deux princes s’entretenoient ensemble là dessus, un espion se détacha pour venir donner avis à Henry de tout ce qu’il leur avoit entendu dire, et de l’apprehension qu’avoit le jeune prince de Belmarin, que les chrétiens ne s’enfuissent aussitôt qu’ils les verroient approcher d’eux. Henry fit part à Bertrand du dessein que les ennemis avoient de leur venir tomber sur le corps, et le pria de luy donner un bon conseil pour sçavoir le party qu’il luy falloit prendre dans la conjoncture presente contre tant de forces, qui devoient apparemment les accabler. Guesclin le pria d’avoir bon courage, luy disant que s’il vouloit suivre la pensée qu’il avoit dans l’esprit, il battroit ses ennemis et prendroit Tolede. Ce prince l’assura qu’il defereroit aveuglément à tous ses sentimens, s’il vouloit luy en faire part. Bertrand luy témoigna qu’il étoit d’avis que l’on prît les trois quarts de l’armée campée devant la ville, pour aller au devant de leurs ennemis, et que ces trois quarts fussent remplacez des milices de la campagne et du plat païs ; que les assiegez voyans toûjours un semblable nombre de gens devant leur place, ne s’appercevroient point de ce changement ; qu’il falloit ensuite tirer toutes les garnisons voisines pour renforcer l’armée qui marcheroit au devant de celle des ennemis, qui, toute nombreuse qu’elle fût, n’étoit pas trop à crain-