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ANCIENS MÉMOIRES

toutte sa vie. L’impatience qu’il avoit de voir son ennemy sous sa puissance, le fit monter precipitamment à cheval, sans se soucier s’il étoit suivy de quelque cortege ; quelques-uns de ses officiers coururent pour le joindre et ne le pas laisser seul. Il alla droit à la tente d’Alain de la Houssaye, dans laquelle il trouva le Besque de Vilaines et beaucoup d’autres seigneurs qui s’étoient assemblez là pour sçavoir ce qu’ils feroient de Pierre. Quand Henry l’apperçut dans leurs mains, l’impatience qu’il avoit de s’en défaire et la colere qui luy fit monter le sang au visage, luy firent porter la main sur une dague qu’il avoit sur soy pour en poignarder le malheureux Pierre. Mais le Besque de Vilaines[1] luy retint la main pour l’en empêcher, en luy remontrant que Pierre étoit son prisonnier, et que les loix de la guerre vouloient qu’on luy en payât la rançon devant qu’il sortît de ses mains, et que tandis qu’il seroit en sa puissance, il ne souffriroit pas qu’on luy fit aucun outrage. Henry luy promit de le satisfaire là dessus audelà même de son attente, et qu’il luy feroit compter des sommes proportionnées à la qualité du prisonnier qu’il luy livreroit. Il n’en fallut pas davantage pour obliger le Besque à luy lâcher Pierre. Aussitôt qu’Henry s’en vit le maître, il commença par luy taillader le visage de trois coups de

  1. « Se vous voulez (dit le Besgue de Vilaines à Henri), je le vous rendray, par telle condition que vous m’en payerez au telle rençon en deniers comptans, comme à telle prise appartient… » Adonc le roy Henry dist au Besgue : « Gentil Besgue, je croy sans cuidier, que vous estes un loyal chevalier. Je vous prie que vous rendez Pietre, et je yous en payeray rençon à vostre voulenté. » (Menard, p. 374.)