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ANCIENS MÉMOIRES

sur eux des barres de fer touttes rouges, de la chaux vive et des barrils tout remplis de pierre ; mais toutte cette resistance, quelque vigoureuse qu’elle fût, ne les empêcha pas de monter et d’entrer dans la place, où Bertrand, rencontrant le gouverneur, luy fendit la tête en deux d’un grand coup de hache. Cet affreux spectacle épouventa si fort toutte la garnison angloise, qu’elle se rendit aussitôt à discretion. Bertrand se laissa fléchir aux prières de ces malheureux ; il se contenta d’en donner la depoüille à ses soldats, et de la voir partager devant luy. Le soir même, il voulut souper comme il avoit dit, dans la même abbaye, dans laquelle il rétablit les moines dés le lendemain. Après qu’il y eut séjourné deux jours pour mettre ordre à tout, et jetté de bonnes troupes dans tous les forts qu’il avoit conquis, il renvoya le maréchal en cour, qui vint à grandes journées à Paris, et s’en alla mettre pied à terre à l’hôtel de Saint Paul, où Charles le Sage logeoit alors. Il luy fit un recit de la valeur extraordinaire de Bertrand, et de touttes les grandes actions qu’il luy avoit veu faire. Ce discours ne fit qu’irriter la démangeaison qu’avoit le Roy de voir un si grand homme, et de l’employer au plûtôt contre Robert Knole, dont touttes les troupes ravageoient tout le Gâtinois, et vinrent brûler des maisons jusques dans Saint Marceau, qui n’étoit pas alors un fauxbourg de Paris, mais un village assez proche de là.

Tout Paris étoit en alarme ; il y avoit bien dix mille hommes de garnison dedans, sans le grand peuple capable de porter les armes, outre quantité de seigneurs qui s’étoient enfermez dans la ville, dont étoient le duc d’Orléans, oncle du Roy, les comtes d’Auxerre,