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SUR DU GUESCLIN.

ment pour disposer de cette charge, puis qu’il le pouvoit faire de sa pleine puissance et autorité royale ; mais qu’il avoit bien voulu faire ce connétable de concert avec eux ; que le seigneur de Fiennes n’en pouvant plus faire les fonctions, à cause de son grand âge, luy en avoit fait une abdication fort sincere, en presence des premiers seigneurs de sa cour, en luy témoignant que, dans le pitoyable état où la France etoit réduite alors, il n’y avoit personne plus capable de la relever de son accablement que Bertrand Du Guesclin. Ce prince n’eut pas plûtôt prononcé son nom, que tout son conseil opina comme luy, mais avec une si grande predilection pour Bertrand, que le choix de sa personne fut fait tout d’une voix. Le Roy le fit donc venir en leur presence, et luy présenta devant cette illustre assemblée l’épée de connétable. Bertrand la reçut avec beaucoup de soûmission ; mais il protesta que c’étoit à condition que si aucun traître en son absence, par trahison ou loberie, rapportait aucun mal de luy, il ne croiroit point le rapport ; ne jà ne luy en feroit pis, jusqu’à ce que les paroles fussent relatées en sa présence. Le Roy luy promit qu’il luy reserveroit toûjours une oreille pour entendre ses justifications contre les calomnies qu’on voudroit intenter contre luy.

Bertrand, satisfait de touttes les honnétetez de Sa Majesté, ne songea plus qu’à remplir dignement les devoirs de sa charge. Tous les officiers de l’armée vinrent luy rendre leurs respects et le salüer sous cette nouvelle qualité de connétable ; et comme l’argent est le nerf de la guerre, il commença par demander au Roy dequoy payer la montre de quinze