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ANCIENS MÉMOIRES

la même chose. Quand Bertrand en eut entendu la lecture, il en fut piqué jusqu’au vif, et jura qu’il ne mangeroit qu’une fois jusqu’à ce qu’il eût veu les Anglois. Il s’informa du trompette en quel endroit ils étoient campez. Il luy répondit que c’étoit auprés de Ponvallain ; qu’ils étoient déjà bien quatre mille hommes d’armes, sans un grand renfort qu’ils attendoient, et que Cressonval étoit allé tirer des garnisons voisines, et qu’avec ce secours les Anglois avoient grand désir de le voir en bataille. Par Dieu, dit Bertrand, ils me verront plûtôt que besoin ne leur fut. Et pour témoigner la joye que luy donnoit cette nouvelle, il fit une largesse de quatorze marcs d’argent au trompette anglois, et commanda qu’on le fît bien boire et bien manger, et qu’on luy donnât ensuite un bon lit pour reposer jusqu’au lendemain qu’il le vouloit renvoyer aux Anglois, pour leur annoncer dé sa part qu’il feroit plus de la moitié du chemin pour les aller voir au plûtôt. On régala tant le trompette durant toutte la nuit, qu’au lieu de partir à la pointe du jour, il luy fallut dormir pour cuver son vin.

Bertrand se servit de cette favorable occasion pour surprendre les Anglois qui n’avoient point encore reçu de nouvelles de leur messager, qu’ils attendoient avec impatience. Il commanda secrettement que chacun s’armât et montât à cheval, et que qui l’aimeroit le suivît sans perdre de temps, parce qu’il ne vouloit reposer ny jour ny nuit, jusqu’à ce qu’il eût com-

    lettre tout ce que icellui herault avoit devisié. El quant Bertran l’entendi, si jura à Dieu, à basse voix serie, que jamais ne mangeroit, excepté celle nuytée, jucques à tant qu’il aroit veu les Euglois et leurs gens. (Ménard, p. 410.)