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ANCIENS MÉMOIRES

celuy de Belmarin dix mille hommes qui venoient par mer à leur secours, et que Pierre lui même étoit en personne à la tête de vingt mille sarrazins qui marchoient de nuit et ne paroissoient point de jour, se cachans dans les bois et dans les forêts, où ils vivoient des provisions qu’ils avoient apportées de chez eux, et qu’ils esperoient le surprendre et venir fondre sur luy devant Tolede, lors qu’il y penseroit le moins.

Henry voulant profiter d’un avis si essenciel, écrivit à Bertrand tout le détail de cette affaire, et le conjura de se rendre incessamment avec tout son monde auprés de luy, pour conferer ensemble sur les mesures qu’ils prendroient pour repousser Pierre. Bertrand monta tout aussitôt à cheval avec ce qu’il avoit de Bretons, tous gens d’élite et fort determinez. Il fit une si grande diligence, qu’Henry sçut bientôt sa venue, dont il eut une grande joye, parce qu’il comptoit fort sur l’expérience et la valeur de Guesclin, qui ne fut pas plûtôt arrivé, qu’il envoya des espions pour observer le mouvement que l’armée de Pierre pouvoit faire. Il apprit qu’il étoit sorty de Seville avec dix mille Espagnols, et qu’il avoit encore dans son armée plus de vingt mille autres hommes tant juifs que sarrazins, et qu’il approchoit de Tolede. La nouvelle étoit sûre, et de plus l’amiral du roy de Belmarin venoit de débarquer avec dix mille hommes fort aguerris. Celuy-cy les presentant au roy Pierre, luy declara qu’il avoit ordre de lui dire de la part de son maître qu’il luy envoyoit ce secours, à la charge qu’il garderoit fidellement les deux paroles qu’il luy avoit données fort solemnellement, dont la premiere étoit de renoncer de tout son cœur à la foy de Jésus-Christ,