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toute la chrétienté par l’effusion de tant de sang chrétien en une province si proche du Turc, qui ne se rend maître des pays qu’en les dépeuplant, et celui-ci ayant perdu plus des trois quarts de ses hommes depuis le commencement de la guerre du Turc en Hongrie, il se remet de nouveau en la puissance de l’Empereur, avec promesse de meilleur traitement, qu’il reçut néanmoins pire qu’il n’avoit jamais eu. On le tient prisonnier à Prague en sa maison, on l’accuse d’avoir intelligence avec le Turc, on saisit tous ses papiers ; et, ne trouvant rien qui le pût convaincre d’être criminel, on ne lui donne pas plus de liberté pour cela. En ce misérable état il demeure toute sa vie, qui finit à Prague le 27 de mars de la présente année par une apoplexie.

Exemple mémorable qu’il n’y a point d’issue de l’autorité souveraine que le précipice ; qu’on ne la doit déposer qu’avec la vie, et que c’est folie de se laisser persuader à quelque apparence qu’il y ait pour se remettre en la puissance d’autrui, quelque espérance qu’il donne de bon traitement, ni sujet qu’il ait de la donner. L’inhumanité qui a été exercée contre ce prince n’en est pourtant pas plus excusable, soit que nous la voulions attribuer à la nation ou à la maison de l’Empereur. Maroboduus, roi allemand, pressé de ses ennemis, se fia à Tibère, qui le reçut et le traita toujours royalement ; et Sigismond, qui fia volontairement sa personne et un grand État à un empereur chrétien, en reçoit un pire traitement que ne feroit un ennemi envers celui que le sort de la guerre auroit mis entre ses mains.

Nous avons laissé le marquis d’Ancre à Amiens,