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vu depuis élevé, il est bon de remarquer ici de quel foible commencement il est parvenu jusques à cette journée, qu’on peut dire être l’aurore d’une fortune si prodigieuse.

Son père, nommé le capitaine Luynes, étoit fils de maître Guillaume Ségur, chanoine de l’église cathédrale de Marseille. Il s’appela Luynes, d’une petite maison qu’avoit ledit chanoine, entre Aix et Marseille, sur le bord d’une rivière nommée Luynes, et prit le surnom d’Albert, qui étoit celui de sa mère, qui fut chambrière de ce chanoine.

Ayant un frère aîné auquel son père laissa le peu de bien qu’il avoit, et n’ayant en sa part que quelque argent comptant, il se fit soldat, et s’en alla à la cour, où il fut archer de la garde du corps, fut estimé homme de courage, fit un duel dans le bois de Vincennes avec réputation, et enfin obtint le gouvernement du Pont-Saint-Esprit, où il se maria à une demoiselle de la maison de Saint-Paulet, qui avoit son bien dans Mornas. Ils y acquirent une petite maison du président d’Ardaillon, d’Aix en Provence, qu’on appeloit autrement M. de Montmiral, une métairie chétive, nommée Brante, assise sur une roche, où il fit planter une vigne, et une île que le Rhône a quasi toute mangée, appelée Cadenet, au lieu de laquelle, pour ce qu’elle ne paroît quasi plus, on montre une autre nommée Limen. Tous leurs biens et leurs acquêts pouvoient valoir environ 1,200 livres de rente. À peu de temps de là, il leur fallut quitter le Pont-Saint-Esprit, pour ce que sa femme devant beaucoup à un boucher qui les fournissoit, ayant un jour envoyé pour continuer à y prendre sa provision,