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1628] MÉMOIRES

par le jugement même de Votre Majesté, et que si au contraire je ne puis faire voir la justification de ma conduite, je sois condamné par ma propre bouche.»

Le Roi, qui vouloit exprès me témoigner beaucoup de froideur pour mieux cacher l’intelligence secrète qui étoit entre lui et moi, m’écouta avec une contenance fière, ayant la main sur le côté, et se tenant au milieu des deux cardinaux. Il me dit ensuite avec un visage assez sévère : « Levez-vous afin que je vous entende mieux ; si vous avez quelque chose à dire pour votre justification, dites-le, et parlez selon la vérité. » Toute la cour étoit présente à cette audience extraordinaire, et je plaidai ma cause durant un demi-quart d’heure, de la même manière que je l’avois fait en particulier dans la chambre du Roi, mais beaucoup plus sérieusement, comme parlant en public, en présence des cardinaux, des princes et des seigneurs de la cour.

Tandis que je haranguois de cette sorte, le Roi dit tout bas au cardinal de Richelieu, ainsi que je l’ai su depuis d’un seigneur qui l’entendit : « Vous voyez que Canaples l’a poussé à bout ; pour moi je ne le trouve pas si criminel. » Et lorsque j’eus achevé de parler il dit tout haut : « Il est vrai qu’on n’a pas dû lui ôter le rang que sa charge lui donnoit, puisqu’il n’avoit fait que ce que je lui avois commandé. »

On entra ensuite dans le conseil et le cardinal de Richelieu ayant su du Roi qu’il désiroit qu’on remît encore le jugement de cette affaire à cause de la présence de la flotte ennemie, qui attendoit tous les jours un vent favorable pour l’attaque de la digue,