Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/128

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mettre une place vide entre elles, poussa madame la duchesse d’Enghien sa belle-sœur, et toutes deux se mirent dans les places suivantes. Mademoiselle fut sensiblement touchée de ce traitement : elle en pleura et en fit beaucoup de bruit, représentant qu’elle avoit des marques de la différence qui devoit être entre elle et madame la princesse, qui en toutes occasions lui dévoient donner de l’avantage sur elle, comme d’avoir un dais dans la maison du Roi, d’avoir un carrosse cloué, des valets de pied à chausses retroussées, et de ne donner chez elle aux princesses du sang qu’une chaise à dos, elle étant dans un fauteuil. Sa colère fut abattue par celle que la Reine témoigna contre elle. On proposa de l’envoyer en religion faire quelque séjour de pénitence ; mais au lieu de soutenir sa petite disgrâce par une noble indifférence, elle eut recours à madame la princesse, ou plutôt elle accepta les offres qu’elle lui fit faire de la raccommoder avec la Reine, dont elle fut infiniment blâmée. Le duc d’Enghien disoit pour ses raisons qu’elle se devoit tenir aux prérogatives qu’elle avoit, sans en prétendre toujours de nouvelles, et que les avantages qu’elle avoit déjà étoient les seuls dont elle devoit jouir. Monsieur s’avisa, sur le tard, que Mademoiselle sa fille avoit eu raison. Il fit le fâché, s’en plaignit à la Reine, et alla gronder trois jours à Chambord. La Reine, qui avoit permis au duc d’Enghien de faire ce qu’il avoit fait, crut être obligée, pour le bien de la paix, de le décharger de cette faute au cas qu’il y en eût, et de prendre le tort sur elle ; si bien qu’avec quelques excuses de sa part, et quelques complimens du duc d’Enghien, toutes choses s’apaisèrent aisément.