Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/133

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n’étant pas si vaillant contre l’amour que contre eux, il sentit une douleur extrême, et ne put souffrir qu’un autre possédât ce que la vertu de cette honnête fille lui défendoit d’espérer. Pour éviter ce chagrin, il jugea qu’il falloit entrer dans les intérêts de Dandelot et le fortifier dans sa passion. Il lui conseilla donc d’enlever mademoiselle de Boutteville, et de se satisfaite par lui-même. Il se chargea en particulier de l’événement de la chose, et leur promit aussi de la faire approuver par madame la princesse, qui aimoit mademoiselle de Boutteville à cause qu’elle avoit l’honneur d’être sa parente.

Le duc d’Enghien avoit une si forte passion pour mademoiselle Du Vigean, que j’ai ouï dire à madame Du Vigean sa mère qu’il lui avoit souvent dit vouloir rompre son mariage, comme ayant épousé la duchesse d’Enghien sa femme par force, afin d’épouser sa fille, et qu’il avoit même travaillé à ce dessein. J’ai ouï dire à madame de Montausier, qui a su toutes ses intrigues, que ce prince avoit fait semblant d’aimer mademoiselle de Boutteville par l’ordre exprès de mademoiselle Du Vigean, afin de cacher au public l’amitié qu’il avoit pour elle ; mais que la beauté de mademoiselle de Boutteville ayant donné frayeur à mademoiselle Du Vigean, elle lui avoit défendu peu après de la voir ni de lui parler, et qu’il lui avoit obéi si ponctuellement que tout à coup il rompit tout commerce avec elle ; et que, pour montrer qu’il n’avoit nul attachement à sa personne, il l’avoit fait épouser à Dandelot. Si mademoiselle Du Vigean fut satisfaite des sentimens du duc d’Enghien, mademoiselle de Boutteville ne le fut pas moins de sa destinée. Elle