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ner pour ses propres intérêts. La Reine, qui crut que ses conseils étoient bons et sincères, les suivit sans peine et même avec quelque satisfaction, croyant y rencontrer le bien de l’État et le plaisir de se vaincre elle-même dans son ressentiment.

Le chancelier Seguier se sentit de cette bénignité. Les premiers jours lui furent dangereux, et il s’en fallut si peu qu’il ne perdît la place où il étoit, qu’il se crut long-temps disgracié, se souvenant de tout ce qu’il avoit fait au Val-de-Grâce. Et l’on disoit tout haut que Châteauneuf, autrefois garde des sceaux, et qui sous le règne précédent avoit été chassé de la cour et mis en prison pour avoir eu part à sa confiance, y reviendroit, et seroit bientôt rétabli. Mais madame la princesse, qui le haïssoit à cause qu’il avoit été le juge du duc de Montmorency son frère, s’y opposa vigoureusement, et fit que MM. le prince et le duc d’Enghien son fils entrèrent dans ses intérêts. Cette résistance fit retarder l’exécution de la disgrâce du chancelier jusqu’à cet instant favorable où tous les païens et amis du cardinal de Richelieu furent regardés plus favorablement ; et la tempête étant cessée pour tous, elle cessa aussi pour lui. Le cardinal Mazarin avoit un grand intérêt de lui sauver ce coup[1], parce que Châteauneuf étoit lié avec les princes de Vendôme et madame de Chevreuse, comme ayant été autrefois de la cabale de la Reine —, que c’étoit un habile homme, d’une grande expérience, le chef d’un grand parti, et qui, selon les apparences, n’appro-

  1. De lui sauver ce coup. Le manuscrit porte : « Non pas que l’amitié l’y obligeoit, car cette belle habitude de l’ame lui a toujours été inconnue ; mais parce que Châteauneuf étoit lié, etc. »