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Roi, avoit, et dont il fit donner la commission à Le Tellier[1] qu’il avoit connu en Italie, et qui en eut bientôt le titre par la mort de des Noyers ; et par ce moyen il eut le plaisir de faire tout seul les quatre charges de secrétaires d’État, et les titulaires ne furent que ses commis.

Après avoir parlé de l’état où étoit la cour, je crois qu’il est juste de dire quelque chose de particulier de la Reine. Elle s’éveilloit pour l’ordinaire à dix ou onze heures, et les jours de dévotion à neuf, qu’elle faisoit une longue prière avant que d’appeler celle qui couchoit auprès d’elle. Quand on avoit annoncé son réveil, ses principaux officiers lui venoient faire leur cour, et souvent d’autres personnes y entroient, et particulièrement certaines dames qui lui venoient parler des aumônes de charité qui étoient à faire à Paris, dans toute la France, et même au dehors : car ses libéralités en tout temps étoient grandes, et s’étendoient généralement sur tout ce qui regardoit la piété, son application étant sans relâche à tous les besoins qu’on avoit de sa protection et de sa justice. Les hommes n’étoient pas exclus de ses audiences. Dans ces premières heures, elle en donnoit souvent à plusieurs, et entroit dans toutes les affaires dont ils lui parloient, selon qu’elle le jugeoit nécessaire. Le Roi ne manquoit jamais, non plus que Monsieur, de la venir voir dès le matin, pour ne la quitter qu’à l’heure de leur retraite, excepté dans les heures de leur repas et de leurs jeux : l’enfance ne leur permettant pas encore de manger avec elle, comme ils firent depuis.

  1. Le Tellier : Michel Le Tellier fut par la suite l’un des ministres les plus illustres de Louis xiv, et devint chancelier de France.