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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

M. de Bouillon, qui se sentoit et qui ne pouvoit nier que ses délais n’eussent mis les affaires dans l’état où elles étoient, coula dans les commencemens d’un discours qu’il adressoit à don Gabriel, comme pour lui expliquer le passé il coula, dis-je, que c’étoit au moins une espèce de bonheur que la nouvelle de la désertion des troupes de M. de Turenne fût arrivée avant que l’on eût exécuté ce qu’on avoit résolu de proposer au parlement : parce que, ajouta-t-il, le parlement, voyant que le fondement sur lequel on l’eût engagé lui eût manqué, auroit tourné tout à coup contre nous, au lieu que nous sommes en état de fonder de nouveau la proposition ; et c’est sur quoi nous avons, ce me semble, à délibérer. Ce raisonnement me parut d’abord faux, parce qu’il supposoit qu’il y eût une nouvelle proposition à faire : ce qui étoit pourtant le fond de la question. Je n’ai jamais vu homme qui entendit cette figure comme M. de Bouillon. Il m’avoit souvent dit que le comte Maurice[1] avoit accoutumé de reprocher à Barnevelt[2], à qui il fit depuis trancher la tête, qu’il renverseroit la Hollande, en donnant toujours le change aux États, par la supposition certaine de ce qui faisoit la question. J’en fis ressouvenir en riant M. de Bouillon au moment dont il s’agit, et je lui soutins qu’il n’y avoit plus rien qui pût empêcher le parlement de

  1. Le prince d’Orange, Maurice de Nassau, capitaine gêneral et stathouder des sept Provinces-Unies, mort en 1625. C’est lui qui prit pour sa devise : Tandem fit surculus arbor ; pour dire qu’enfin la Hollande s’éleveroit à l’état de souveraineté, malgré l’Espagne. (A. E.)
  2. Barneveldt, pensionnaire de Hollande, condamné et exécuté en 1619, a l’âge de soixante-seize ans. (A. E.)