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[1650] MÉMOIRES

ce ne fût un génie tout aussi bien fait pour un cardinal. Il ne m’en témoigna rien, mais il le dit le soir à M. le président de Bellièvre, qui, sachant mes intentions, l’assura fort du contraire. Il n’en fut pourtant pas persuadé : au contraire, il le fut si peu qu’il ne cessa point d’être surpris ; et pour lever l’obstacle qu’il eut peur que je ne fisse à son ami, il m’apporta une lettre de sa part, par laquelle il m’assuroit de ne jamais songer au cardinalat avant que je l’eusse moi-même. Je faillis à tomber de mon haut d’un compliment de cette nature, que je ne m’étois nullement attiré. On l’ornoit d’une période à chaque mot que je disois pour m’en défendre : on le fit pour moi à madame de Chevreuse, à Noirmoutier, à Laigues et à douze ou quinze autres. Le bon homme s’aida ainsi de tout le monde, et tout le monde l’aida. Le cardinal le fit garde des sceaux, non pour couronner les deux grands desseins de l’accommodement de Bordeaux et du rétablissement des rentes, mais au contraire pour autoriser par un nom de réputation la conduite tout opposée qu’il avoit prise, à la persuasion des subalternes, qui appréhendoient surtout notre réunion, et la résolution de pousser le parlement de Guienne, et de décréditer dans Paris les frondeurs. Il crut d’ailleurs que ce nom lui serviroit à réparer un peu, à l’égard du public, le tort qu’il s’y faisoit en donnant la surintendance des finances, vacante par la mort d’Emery, au président de Maisons, dont la probité étoit moins que problématique. Enfin il vouloit m’opposer, dans le besoin ; un rival : illustre pour le cardinalat. Senneterre, qui étoit attaché à la cour et même au cardinal, me dit ces propres mots en parlant de lui :