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[1650] MÉMOIRES

n’étoit pas de porter des paroles aux chambres par les gens du Roi, et que quand il y avoit une proposition, elle devoit être faite en pleine assemblée du parlement. Le premier président, surpris, ne la put pas refuser ; et, pour la différer au moins jusqu’au lendemain, il prit le prétexte de Monsieur, sans lequel il n’étoit pas du respect d’opiner, ni même de la possibilité de le faire, puisqu’il s’agissoit d’une proposition qui avoit été faite par lui.

Il y eut le soir une scène chez Monsieur qui mérite votre attention. Il nous assembla, M. le garde des sceaux, M. Le Tellier, M. de Beaufort et moi, pour savoir nos sentimens sur la conduite qu’il avoit à tenir dans le parlement le lendemain matin. Le garde des sceaux soutint d’abord qu’il falloit que Monsieur, ou n’y allât point, ou défendît l’assemblée, ou du moins qu’il n’y demeurât qu’un moment ; et qu’après avoir dit à la compagnie son intention, il sortît pour peu qu’il trouvât d’opposition. Cette proposition, qui eût tourné en moins d’un demi quart-d’heure toute la compagnie du côté des princes, si elle eût été exécutée, ne trouva aucune approbation ; mais elle ne fut contredite que par M. de Beaufort et par moi, parce que M. Le Tellier, qui en voyoit le ridicule comme nous, ne s’y voulut pas opposer avec force, pour laisser échauffer la contestation entre le garde des sceaux et moi, qu’il étoit fort aise de brouiller ; et pour faire sa cour au cardinal, en lui faisant voir qu’il alloit aux avis les plus vigoureux pour son service. Je connus dans la même conversation que le garde des sceaux mêloit, dans son humeur brusque et dans ses anciennes maximes, de l’art pour faire aussi