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[1650] MÉMOIRES

M. le prince n’eussent le plaisir, deux ou trois fois le jour, de nous faire voir au peuple comme des gens qui étoient dans une parfaite union avec lui. Ce qu’il y a de plus admirable est que dans ces mêmes momens le cardinal et ses adhérens nous accusoient d’avoir intelligence avec le parlement de Bordeaux, parce que nous soutenions que si on ne s’accommodoit avec lui, nous donnerions infailliblement celui de Paris à M. le prince. M. Le Tellier le voyoit comme nous, et il nous disoit qu’il le mandoit tous les jours à la cour ; mais je ne puis vous dire ce qui en étoit. Le grand prévôt, qui étoit à la cour, me dit, quand elle fut revenue, que Le Tellier disoit vrai, et qu’il le savoit de science certaine. Lyonne[1] m’a assuré depuis tout le contraire, et qu’il étoit vrai que Le Tellier avoit pressé le retour du Roi à Paris : mais pour obvier, disoit-il, aux cabales que j’y faisois contre le service du Roi. Si j’étois à l’article de la mort, je ne me confesserois pas sur ce point. J’agis en ce temps-là avec toute la sincérité que j’eusse pu avoir si j’avois été neveu du cardinal Mazarin. Ce n’étoit pourtant pas pour l’amour de lui a mais je me croyois obligé, par les règles de la bonne conduite, de m’opposer aux progrès que la faction de M. le prince faisoit, par la mauvaise conduite de ses propres ennemis ; et, pour m’y opposer avec effet, je me trouvois dans la nécessité de combattre avec autant d’application la flatterie des partisans du ministre que les efforts des serviteurs de M. le prince.

Le 3 de septembre, le président de Bailleul revint

  1. Hugues de Lyonne, marquis de Berni, secrétaire ministre d’État, et ambassadeur ; mort en âge de soixante ans. (A. E.)