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[1650] MÉMOIRES

La veille que Monsieur l’apporta au parlement, elle fut extrêmement discutée dans son cabinet ; et l’on convint que, selon toutes les apparences, elle n’étoit pas faite de bonne foi par les Espagnols. Ils venoient de prendre La Capelle : M. de Turenne les avoit joints avec ce qu’il avoit pu ramasser d’officiers et de troupes de messieurs les princes. Le maréchal Du Plessis, qui commandoit l’armée du Roi, n’étoit pas en état de leur faire tête. Le trompette qui apporta la lettre de l’archiduc à Monsieur, datée du camp de Baxeches, auprès de Reims, fit une chamade à la Croix-du-Tiroir, et tint même des discours fort séditieux au peuple. On trouva le lendemain cinq ou six placards affichés en différens endroits de la ville au nom de M. de Turenne, par lesquels il assuroit que M. l’archiduc ne venoit qu’avec un esprit de paix. Et dans l’un des placards ces paroles y étoient contenues : « C’est à vous, peuples de Paris, à solliciter vos faux tribuns, devenus enfin pensionnaires et protecteurs du cardinal Mazarin, qui se jouent depuis si long-temps de vos fortunes et de votre repos, et qui vous ont tantôt excités et tantôt ralentis, tantôt poussés et tantôt retenus, selon leurs caprices, et les différens progrès de leur ambition. »

Vous voyez l’état où étoient les frondeurs, dans une conjoncture où ils ne pouvoient faire un pas qui ne fût contre eux. Monsieur me parla, le soir, avec une très-grande aigreur contre le cardinal : ce qu’il n’avoit jamais fait jusque-là. Il me dit qu’il croyoit qu’il lui avoit fait proposer par M. Le Tellier ce qu’il avoit avancé à la compagnie pour le décréditer ; qu’une disparate pareille ne pouvoit pas être l’effet de la pure