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[1650] MÉMOIRES

condition, de dire à l’archiduc que si les Espagnols en proposoient de raisonnables il les accepteroit les signeroit, et les feroit enregistrer au parlement, avant que le Mazarin en eût seulement le premier avis. M. d’Avaux crut que je devois écrire en même temps à M. de Turenne, et il se chargea de lui faire rendre ma lettre en main propre. La lettre fut honnêtement folle, pour être écrite sur un sujet sérieux. Elle commençoit par ces paroles : « Il vous sied bien, maudit Espagnols, de nous traiter de tribuns du peuple ! » Elle ne finissoit pas plus sagement : car je lui faisois la guerre d’une petite grisette qu’il aimoit de tout son cœur, dans la rue des Petits-Champs. Le milieu de la dépêche étoit plus solide : on lui faisoit voir que nous étions bien intentionnés pour la paix. Je parlai à don Gabriel de Tolède chez Monsieur, d’une manière qui parut si peu affectée qu’elle ne fut pas remarquée, mais qui ne laissa pas de lui expliquer suffisamment ce que j’avois à lui-dire. Il le reçut avec une joie sensible, et il ne fit même ni le fier ni le délicat sur la proposition des cent mille écus. Il étoit intime avec Fuensaldagne, qui avoit de l’inclination pour lui, et qui, pour excuser certaines fantaisies particulières auxquelles il étoit sujet, disoit que c’étoit le plus sage fou qu’il eût jamais vu. J’ai remarqué plus d’une fois que ces sortes d’esprits persuadent peu, mais qu’ils insinuent bien, et que le talent d’insinuer est plus d’usage que celui de persuader ; parce que l’on peut insinuer à tout le monde, et que l’on ne persuade presque jamais personne. Don Gabriel n’insinua ni ne persuada à Fuensaldagne ce que l’on avoit espéré car le nonce du Pape, et le ministre qui en l’absence