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acheter pour le lendemain. Monsieur l’alla voir aussitôt qu’il fut arrivé ; mais il ne fut pas en mon pouvoir de l’obliger à offrir un sou au Roi son neveu, parce que, disoit-il, peu n’est pas digne de lui, et beaucoup m’engageroit à trop pour la suite. À propos de ces paroles je fais cette digression, qu’il n’y a rien de si fâcheux que d’être le ministre d’un prince dont on n’est pas le favori ; parce qu’il n’y a que la faveur qui donne le pouvoir sur le petit détail de sa maison, dont on ne laisse pas d’être responsable au public, lorsque le monde voit que l’on a le pouvoir sur des choses bien plus considérables que le domestique. La faveur de M. le duc d’Orléans ne s’acquéroit pas, mais elle se conquéroit. Il savoit qu’il étoit toujours gouverné, et il affectoit toujours d’éviter de l’être, ou plutôt de paroître l’éviter ; et jusqu’à ce qu’il fût dompté, pour ainsi parler, il ruoit et donnoit des saccades. J’avois trouvé qu’il me convenoit assez d’entrer dans les grandes affaires ; mais je n’avois pas cru qu’il me convînt d’entrer dans les petites. La figure qu’il y eût fallu faire m’eût trop donné l’air de confusion, qui ne m’étoit pas bon, parce qu’elle ne se fût pas bien accordée avec l’homme du public, dont je tenois le poste, plus beau et bien plus sûr que celui de favori de M. d’Orléans. Je dis plus sûr, car le peuple de Paris se fixe plus aisément qu’aucun autre ; et M. de Villeroy, qui en a parfaitement connu le naturel dans tout le cours de la Ligue où il gouvernoit sous M. du Maine, a été de ce sentiment. Ce que j’en éprouvois moi-même me le persuadoit, et fit que bien que Montrésor, qui avoit été long-temps à Monsieur, me pressât de prendre au palais d’Orléans l’appartement