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[1650] MÉMOIRES

peu remplis et même vides, sont toujours dangereux.

M. de Nemours[1] étoit moins que rien pour la capacité ; mais il ne laissa pas d’y faire figure, et de nous incommoder en de certaines conjonctures. Les frondeurs ne pouvoient faire quitter le pavé à cette cabale que par une violence, qui n’est presque jamais honnête à des particuliers, et sur laquelle l’exemple de ce qui étoit arrivé chez Renard m’avoit fort corrigé. La petite finesse qui infectoit toujours la politique quoique habile du cardinal, lui donnoit du goût à laisser devant nos yeux, et pour ainsi dire entre lui et nous, des gens avec qui il put se raccommoder contre nous-mêmes. Ces mêmes gens l’amusoient par des négociations : il les croyoit tromper par la même voie. Ce qui en arriva fut qu’il s’en forma et s’en grossit une nuée, dans laquelle les frondeurs s’enveloppèrent eux-mêmes à la fin ; mais ils y enflammèrent les exhalaisons et ils y forgèrent des foudres.

Le Roi ne-demeura que dix jours en Guienne après la paix ; et M. le cardinal, enflé du succès de la pacification de cette province, ne songea qu’à venir couronner son triomphe par le châtiment des frondeurs, qui s’étoient servis, disoit-il, de l’absence du Roi pour éloigner Monsieur de son service, pour favoriser la révolte de Bordeaux, et pour travailler à se rendre maîtres de messieurs les princes. En même temps il faisoit dire à la palatine qu’il avoit horreur de la haine que j’avois dans le cœur pour M. le prince, et que je lui faisois faire tous les jours des proposi-

  1. M. de Nemours : Charles-Amédée de Savoie, mort en 1652, à l’âge de vingt-huit ans.