Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
[1650] MÉMOIRES

moyen étoit nécessaire pour vaincre l’opiniâtreté de la Reine. Le cardinal proposa l’affaire au conseil, et conclut, par une prière très-humble qu’il fit à la Reine, de condescendre à la demande de M. le duc d’Orléans, et à ce que les services et les mérites de M. le coadjuteur demandoient encore avec plus d’instance (ce furent ses propres paroles). Elles furent relevées avec une hauteur et une fermeté que l’on ne trouve pas souvent dans les conseils, quand il s’agit de combattre les avis des premiers ministres. Le Tellier et Servien se contentèrent de ne lui pas applaudir ; mais le garde des sceaux lui perdit tout respect : il l’accusa de prévarication et de foiblesse ; il mit un genou en terre devant la Reine, pour la supplier, au nom du Roi son fils, de ne pas autoriser, par un exemple qu’il appela funeste, l’insolence d’un sujet qui vouloit arracher les grâces l’épée à la main. La Reine fut émue ; le pauvre cardinal eut honte de sa mollesse et de sa trop grande bonté ; et madame de Chevreuse et Laigues eurent tout sujet de reconnoître que j’avois bien jugé, et que j’avois été cruellement joué. Il est vrai que j’en avois donné de ma part une occasion très-belle et très-naturelle. J’ai fait bien des sottises en ma vie : voici à mon sens une des plus signalées. J’ai remarqué plusieurs fois que quand les hommes ont balancé long-temps à entreprendre quelque chose par la crainte de ne pas réussir, l’impression qui leur reste de cette crainte fait, pour l’ordinaire, qu’ils vont ensuite trop vite dans la conduite de leurs entreprises. Voilà ce qui m’arriva. J’avois eu toutes les peines du monde à me résoudre à prétendre au cardinalat, parce que la pré-