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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

chanoine de Notre-Dame[1], qui m’en importunoit beaucoup ; tantôt elle s’emportoit publiquement, avec des injures atroces contre la mère, contre la fille et contre moi ; quelquefois le ménage se rétablissoit pour quelques jours, et même pour quelques semaines. Voici le comble de la folie. Elle fit très-proprement accommoder une manière de cave, ou plutôt de serre d’orangers, qui répond dans son jardin, et qui est justement sous son petit cabinet ; et elle proposa à la Reine de m’y perdre, en lui promettant qu’elle lui en donneroit les moyens, pourvu qu’elle lui donnât sa parole de me laisser sous sa garde, et enfermé dans la serre. La Reine me l’a dit depuis, et madame de Guémené me l’a confessé. Le cardinal ne le voulut pas, parce que si j’eusse disparu, le peuple s’en seroit pris à lui. De bonne fortune pour moi, elle ne s’avisa de ce bel expédient que dans le temps que le Roi étoit à Paris ; si c’eût été en celui du voyage de Guienne, j’étois perdu : car comme j’allois quelquefois chez elle de nuit et seul, elle m’eût très-facilement livré. Je reviens à Monsieur.

Je vous ai dit qu’il avoit pris la résolution de faire sortir de prison messieurs les princes ; mais il n’y avoit rien de plus difficile que la manière dont il seroit à propos de s’y prendre. Ils étoient entre les mains du cardinal, qui pouvoit en un quart-d’heure se donner, au moins par l’événement, le mérite de tous les efforts que Monsieur pouvoit faire en des années ; et la plus petite apparence de ces efforts étoit capable de lui en faire prendre la résolution en un quart-d’heure.

  1. À un chanoine de Notre-Dame : Probablement Claude Joly, oncle de Guy Joly, auteur des Mémoires.