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[1650] MÉMOIRES

J’avois recordé jusqu’à deux heures après minuit M. de Beaufort chez madame de Montbazon, pour le faire parler au moins un peu juste dans une occasion aussi délicate. J’y réussis, comme vous voyez, par la chanson, qui, dans la vérité, est rendue en vers mot à mot de la prose. Admirez la force de l’imagination Le vieux Machaut ; doyen du conseil, qui n’étoit rien moins qu’un sot, me dit à l’oreille, en entendant cet avis « On, voit bien que cela n’est pas de son cru. » Et ce qui est encore plus merveilleux est que les gens de la cour y entendirent finesse. Quand je demandai à M. de Beaufort pourquoi il avoit parlé dans son avis de M. le duc d’Orléans, qui ne pouvoit opiner parce qu’il n’étoit pas présent, il me

    Puis d’une mine très-hardie
    Il fit ce beau raisonnement
    « J’avons trois points dans notre affaire
    « Les princes sont le premier point.
    « Je les honore et les révère
    « C’est pourquoi je n’en parle point.
    « Le second est de l’Eminence,
    « Monsieur Jules de Mazarin.
    « Sans barguigner j’aime la France
    « Et vas toujours mon grand chemin.
    « J’ai le cœur fait comme la mine,
    « Et suis tous les beaux sentimens.
    C’est pourquoi j’conclus et opine
    Com’ fera monsieur d’Orléans. »
    « À ces beaux mots, la compagnie
    « Frappa des mains, et dit tout haut
    « Voyez comment pour sa patrie
    « Beaufort opine comme il faut »
    (A. E.)