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[1651] MÉMOIRES

cardinal s’étoit sauvé lui troisième ; qu’il étoit sorti en habit déguisé, et que le Palais étoit dans une consternation effroyable. Je voulois monter en carrosse sur cette nouvelle, pour aller trouver Monsieur ; mais ils me prièrent d’entrer dans un petit cabinet, où ils me pussent parler en particulier. Voici le secret : Chandenier, capitaine des gardes en quartier, étoit dans le carrosse du prince de Guémené, et vouloit me dire un mot ; mais il ne vouloit étre vu d’aucun de mes domestiques. Je connoissois pour peu sages les deux hommes qui me parloient mais je les crus fous à lier et à mener aux Petites-Maisons, quand ils me nommèrent Chandenier. Je ne l’avois point vu depuis le collége, et encore depuis les premières années du collége, où nous n’avions que neuf ou dix ans l’un et l’autre. Nous ne nous étions jamais rendu visite ; il avoit été fort attaché au cardinal de Richelieu, dans la maison duquel j’avois été bien éloigné d’avoir aucune habitude. Il étoit capitaine des gardes en quartier ; je servois le mien dans la Fronde. Je le vois à ma porte le propre jour que la Fronde ôte de force au Roi son premier ministre ; je le vois dans ma chambre ; il me demande d’abord si je ne suis pas serviteur du Roi. Je vous confesse que j’eusse eu bien peur, si je n’eusse été assuré que j’avois un bon corps-de-garde dans ma cour, et bon nombre de gens fort braves et fort fidèles dans mon antichambre. Comme j’eus répondu à Chandenier que j’étois au Roi comme lui, il me saute au collet, et me dit « Et moi je suis au Roi comme vous mais comme vous êtes aussi contre Mazarin pour la cabale, cela s’entend, ajouta-t-il : car au poste où je suis je ne voudrois pas lui faire du mal autre-