Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/323

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moi vos pensées en toute liberté. — Je le vais faire, madame, repris-je, quoiqu’avec peine, parce que je sais que ce qui regarde M. le cardinal est sensible à Votre Majesté ; mais je ne puis m’empêcher de lui dire encore que si elle se peut résoudre aujourd’hui à ne plus penser au retour du cardinal, elle sera demain plus absolue qu’elle n’étoit le premier jour de sa régence ; et que si elle continue à vouloir le rétablir, elle hasarde l’État. — Pourquoi, reprit-elle, si Monsieur et M. le prince y consentoient ? — Parce que, madame, lui répondis je, Monsieur n’y consentira que quand l’État sera hasardé ; et que M. le prince n’y consentira que pour le hasarder. » Je lui expliquai, en cet endroit, le détail de tout ce qui étoit à craindre ; je lui exagérai l’impossibilité de séparer M. le prince du parlement, et l’impossibilité de gagner sur ce point le parlement par une autre voie que celle de la force, qui mettroit la couronne en péril. Je lui remis devant les yeux les prétentions immenses de M. le prince, de messieurs de Bouillon et de La Rochefoucauld. Je lui fis voir au doigt et à l’œil qu’elle dissiperoit quand il lui plairoit, par un seul mot, pourvu qu’il partît du cœur, toutes ces fumées si noires et si épaisses. Et comme j’aperçus qu’elle étoit touchée de ce que je lui disois, et qu’elle prenoit particulièrement goût à ce que je lui représentois du rétablissement de son autorité, je crus qu’il étoit assez à propos de prendre ce moment pour lui expliquer la sincérité de mes intentions. « Et plût à Dieu, madame, ajoutai-je, que Votre Majesté voulût rétablir son autorité par ma propre perte ! On lui dit à toutes les heures du jour que