Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/398

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pagnie que je n’avois rien fait ni rien dit dans cette rencontre qui ne fût d’un homme de bien : et que surtout personne ne me pouvoit ôter ni l’honneur, ni la satisfaction de n’avoir jamais été accusé d’avoir manqué à ma parole. Ces derniers mots ne furent rien moins que sages : ils sont, à mon sens, une des grandes imprudences que j’aie jamais faites. M. le prince, quoique animé par M. le prince de Conti qui le poussa (ce qui fut remarqué de tout le monde) comme pour le presser de s’en ressentir, ne s’emporta point ce qui ne put être en lui qu’un effet de la grandeur de son courage et de son ame. Quoique je fusse ce jour-là fort accompagné, il étoit sans comparaison beaucoup plus fort que moi ; et il est constant que si on eût tiré l’épée dans ce moment il eût eu incontestablement tout l’avantage. Il eut la modération de ne le pas faire ; je n’eus pas celle de lui en avoir obligation. Comme je payai de bonne mine, et que tous mes amis payèrent d’une grande audace, je ne remerciai du succès que ceux qui m’y avoient assisté, et je ne songeai qu’à me trouver le lendemain au Palais en meilleur état. La Reine fut transportée de joie que M. le prince eût trouvé des gens qui lui eussent disputé le pavé. Elle sentit jusqu’à la tendresse l’injustice qu’elle m’avoit faite, quand elle m’avoit soupçonné d’être de concert avec lui. Elle me dit tout ce que la colère pouvoit inspirer contre son parti, et de plus tendre pour un homme qui faisoit au moins ce qu’il pouvoit pour lui en rompre les mesures. Elle ordonna au maréchal d’Albert[1] de commander trente gendarmes pour se pos-

  1. César-Phébus d’Albret, mort en 1676. (A. E.)