Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/413

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tifier du crime qu’on lui imposoit. Il lui marqua la différence quelle devoit mettre entre un premier prince du sang, dont la présence étoit de nécessité dans cette conjoncture, et un coadjuteur de Paris, qui n’y avoit jamais séance que par une grâce assez ordinaire que le parlement lui avoit faite. Il ajouta que la Reine devoit faire réflexion que rien ne le pouvoit obliger à parler ainsi que la force de son devoir ; parce qu’il lui avouoit ingénument que la manière dont j’avois reçu le petit service que son fils avoit essayé de me rendre le matin (ce fut son terme) l’avoit touché si sensiblement, qu’il se faisoit une contrainte extrême à soi-même, en la priant sur un sujet qui peut-être ne me seroit pas fort agréable. La Reine se rendit à ses raisons, et aux instances de toutes les dames de la cour, qui, l’une par une raison et l’autre par une autre, appréhendoient le fracas presque inévitable du lendemain. Elle m’envoya M. de Charost, capitaine des gardes en quartier, pour me défendre au nom du Roi d’aller le lendemain au Palais. M. le premier président, que j’avois été voir et remercier le matin au lever du parlement, me vint rendre ma visite comme M. de Charost sortoit de chez moi. Il me conta fort sincèrement le détail de ce qu’il venoit de dire à la Reine. Je l’en estimai, parce qu’il avoit raison ; et je lui témoignai de plus que j’en étois très-aise, parce qu’il me tiroit avec honneur d’un très-méchant pas. « Il est très-sage, me répondit-il, de le penser, et il est encore plus honnête de le dire. » Il m’embrassa tendrement en disant cette dernière parole. Nous nous jurâmes amitié ; je la tiendrai toute ma vie à sa famille avec tendresse et reconnoissance.