Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/415

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son carrosse messieurs de La Rochefoucauld, de Rehan et de Goncourt, en descendit aussitôt qu’il m’eut aperçu. Il fit taire ceux de sa suite qui avoient commencé à crier : il se mit à genoux pour recevoir ma bénédiction. Je la lui donnai le bonnet en tête ; je l’ôtai aussitôt, et je lui fis une profonde révérence. Cette aventure est, comme vous voyez, assez plaisante. En voici une autre qui ne le fut pas tant par l’événement ; et c’est, à mon sens, ce qui m’a coûté ma fortune, et qui a failli plusieurs fois à me coûter la vie.

La Reine fut si transportée de joie des obstacles que M. le prince rencontroit dans ses desseins, et elle fut si satisfaite de l’honnêteté de mon procédé, que je puis dire avec vérité que je fus pendant quelques jours en faveur. Elle ne pouvoit assez témoigner à son gré, à ceux qui l’approchoient, la satisfaction qu’elle avoit de moi. Madame la palatine étoit persuadée qu’elle parloit de cœur. Madame de Lesdiguières me dit que madame de Beauvais, qui étoit assez de ses amies, l’avoit assurée que je faisois chemin dans son esprit. Ce qui me le persuada plus que tout le reste fut que la Reine, qui ne pouvoit souffrir que l’on donnât la moindre atteinte au cardinal Mazarin entra en raillerie ; et de bonne foi, d’un mot que j’avois dit de lui. Bertet (je ne me souviens pas à propos de quoi) m’avoit dit quelques jours auparavant que le pauvre cardinal étoit quelquefois bien empêché ; et je lui avois répondu « Donnez-moi le Roi de mon côté deux jours durant, et vous verrez si je le serai. » Il avoit trouvé cette sottise assez plaisante ; et comme il étoit lui-même fort badin, il n’avoit pu s’empêcher de la dire à la Reine. Elle ne s’en fâcha pas, elle en rit