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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

M. le prince étant revenu à Compiègne, la cour prit ou déclara la résolution de revenir à Paris. Elle y fut reçue comme les rois l’ont toujours été et le seront toujours, c’est-à-dire avec des acclamations qui ne signifient rien que pour ceux qui prennent plaisir à se flatter. Un petit procureur du châtelet aposta, pour de l’argent, douze ou quinze femmes qui, à l’entrée du faubourg, crièrent : vive Son Eminence ! qui étoit dans le carrosse du Roi. Son Eminence crut là-dessus être maître de Paris : il s’aperçut, au bout de trois ou quatre jours, qu’il s’étoit trompé. Les libelles continuèrent. Marigny redoubla de force pour les chansons ; les frondeurs parurent plus fiers que jamais. Nous marchions quelquefois seuls, M. de Beaufort et moi, avec un page derrière notre carrosse, quelquefois avec cinquante livrées et cent gentilshommes. Nous diversifiions la scène, selon que nous jugions qu’elle seroit du goût des spectateurs. Les gens de la cour, qui nous blâmoient depuis le matin jusqu’au soir, nous imitoient à leur mode. Il n’y en avoit pas un qui ne prît avantage sur le ministre des frottades que nous lui donnions (c’étoit le mot du président de Bellièvre) ; et M. le prince, qui en faisoit trop ou trop peu à son égard, continua à le traiter du haut en bas. Et comme il n’étoit pas content du refus qu’on lui avoit fait de la surintendance des mers, qui avoit été à monsieur son beau-frère[1], le cardinal pensoit toujours à le radoucir par des propositions de quelque autre accommodement, qu’il eût

  1. Monsieur son beau-frère : Le duc de Brezé, neveu du cardinal de Richelieu, avoit été tué le 14 juin 1646, dans un combat naval livré près d’Orbitello. Le prince de Condé avoit épousé sa sceur.