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[1649] MÉMOIRES

vengeance qu’on prenoit de la Fronde. Nous résolûmes une contre-assemblée de noblesse pour soutenir le tabouret de la maison de Rohan. Mademoiselle de Chevreuse eût eu assez de plaisir qu’on l’eût distinguée par là de celle de Lorraine ; mais la considération de madame sa mère fit qu’elle n’osa contredire le sentiment commun. Il fut question d’essayer d’ébranler M. le prince, avant que de venir à l’éclat je me chargeai de la commission. J’allai chez lui dès le soir même ; je pris mon prétexte sur la parenté que j’avois avec la maison de Guémené. M. le prince, qui m’entendit à demi mot, répondit ces paroles : « Vous êtes bon parent, il est juste de vous satisfaire. Je vous promets que je ne choquerai point le tabouret de la maison de Rohan ».

J’exécutai fidèlement l’ordre de M. le prince : j’allai de chez lui à l’hôtel de Guémené, où je trouvai toute la compagnie assemblée. Je suppliai mademoiselle de Chevreuse de sortir du cabinet, et je fis rapport de mon ambassade aux dames, qui en furent beaucoup édifiées ; il est si rare qu’une négociation finisse de cette manière, que celle-là m’a paru n’être pas indigne de l’histoire.

Cette complaisance qu’eut M. le prince pour moi déplut au cardinal qui avoit encore tous les jours de nouveaux sujets de chagrin. Le vieux duc de Chaulnes[1], gouverneur d’Auvergne, lieutenant de roi en Picardie, et gouverneur d’Amiens, mourut en ce temps-là. Le cardinal à qui la citadelle d’Amiens eût

  1. Honoré d’Albert, duc de Chaulnes, gouverneur d’Amiens, frère du connétable de Luyncs, mort en 1649 le 30 octobre, en sa soixante-neuvième année. (A. E.)