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accompagné ; et que je n’avois auprès de moi que le chevalier d’Humières, enseigne de mes gendarmes, avec trente maîtres. M. le prince lui répondit en souriant : « Le cardinal de Retz est trop fort ou trop foible. » Marigny me raconta presque dans le même temps que s’étant trouvé dans la chambre de M. le prince, et ayant remarqué qu’il lisoit avec attention un livre, il avoit pris la liberté de lui dire qu’il falloit que ce fût un bel ouvrage, puisqu’il y prenoit tant de plaisir et que M. le prince lui répondit : « Il est vrai que j’y en prends beaucoup : car il me fait connoître mes fautes, que personne n’ose me dire. » Vous observerez, s’il vous plaît, que ce livre étoit celui qui étoit intitulé Le Vrai et le Faux du prince de Condé et du cardinal de Retz ; qui pouvoit piquer et fâcher M. le prince, parce que je reconnois de bonne foi que j’y avois manqué au respect que je lui devois. Ces paroles sont belles, hautes, sages, grandes, et proprement des apophthegmes, desquels le bon sens de Plutarque auroit honoré l’antiquité avec joie.

Je reprends le fil de ce qui se passoit en ce temps-là dans les chambres assemblées, dont vous avez déjà vu la meilleure partie dans ces observations, sur lesquelles il y a déjà quelque temps que je me suis même assez étendu. Je vous ai parlé de la démangeaison de négociation, comme de la maladie qui régnoit dans le parti des princes. M. de Chavigny en avoit une réglée, mais secrète, avec M. le cardinal ; par le canal de M. de Fabert[1]. Elle ne réussit pas parce que le cardinal ne vouloit point dans le fond d’accommodement, et il n’en recherchoit que les apparences,

  1. Fabert : Abraham maréchal de France en 1646 ; mort en 1662.