Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/113

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fit croire que la chose n’étoit pas impraticable. Le comte de Tavannes, qui y commandoit pour M. le prince (car messieurs de Beaufort et de Nemours étoient à Paris), fit l’une des plus belles et des plus vigoureuses résistances qui se soient faites de nos jours. Il y eut beaucoup de sang répandu de part et d’autre : les chevaliers de La Vieuville et de Parabère y furent blessés ; les attaques furent fréquentes et vives ; la défense n’y fut pas moindre. Le petit nombre eût enfin cédé au plus fort, si M. de Lorraine[1] ne fût arrivé à propos, qui obligea M. de Turenne à lever le siége. Cette marche de M. de Lorraine mérite de vous être expliquée.

Il y avoit assez long-temps que les Espagnols le pressoient d’entrer en France, et de secourir messieurs les princes. Monsieur et Madame l’en sollicitoient avec empressement. Il ne répondit à ceux-là qu’en leur demandant de l’argent. Il ne répondit à ceux-ci qu’en leur demandant Jametz, Clermont et Stenay, qui avoient autrefois été de son domaine, et que le Roi avoit données depuis à M. le prince. Monsieur me força de dicter un jour à Fromont une instruction pour Le Grand, qu’il envoyoit à Bruxelles pour le persuader ; et je puis dire avec vérité que ç’a été le seul trait de plume que j’aie fait dans tout le cours de cette guerre. Je disois toujours à Monsieur que je me voulois conserver la satisfaction de pouvoir au moins penser dans moi-même que je n’étois en rien d’une affaire où tout alloit à la peggio ; et je l’avois presque accoutumé à ne me plus demander même mon

  1. Charles IV, duc de Lorraine, mort âgé de soixante-onze ans cinq mois seize jours, en 1675, le 2 de septembre. (A. E.)