Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/129

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dit sur cela étoit véritable ; mais je ne me puis remettre ce qu’il me répondit sur cet avis particulier de M. de Bouillon. Voici ce qu’il m’apprit du gros de l’affaire : il étoit persuadé que je le desservois beaucoup auprès de Monsieur : ce qui n’étoit pas vrai, comme vous l’avez vu ci-devant ; mais il l’étoit aussi, que je lui nuisois beaucoup dans la ville : ce qui n’étoit pas faux, par les raisons que je vous ai aussi expliquées, ci-dessus. Il avoit observé que je ne me gardois nullement, et que je me servois même avec affectation du prétexte de l’incognito auquel le cérémonial m’obligeoit, pour faire voir ma sécurité, et la confiance que j’avois en la bonne volonté du peuple, au milieu de ses plus grands mouvemens. Il résolut, et très-habilement, de s’en servir de sa part pour faire une des plus sages et des plus belles actions qui ait peut-être été pensée de tout le siècle. Il fit dessein d’émouvoir le peuple le matin du jour de l’assemblée de l’hôtel-de-ville ; de marcher droit à mon logis sur les dix heures, qui étoit justement l’heure où l’on savoit qu’il y avoit le moins de monde, parce que c’étoit celle où pour l’ordinaire j’étudiais ; de me prendre civilement dans son carrosse, de me mener hors de la ville, et de me faire une défense en forme à la porte de n’y plus rentrer. Je suis convaincu que le coup étoit sûr, et qu’en l’état où étoit Paris, les mêmes gens qui eussent mis la hallebarde à la main pour me défendre, s’ils eussent eu loisir d’y faire réflexion, en eussent approuvé l’exécution : étant certain que dans les révolutions qui sont assez grandes pour tenir tous les esprits dans l’inquiétude, ceux qui priment sont toujours applaudis, pourvu que d’abord ils réussissent. Je n’étois