Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/147

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jurieuse à la couronne, sous je ne sais quel prétexte de représailles, une grande partie des vaisseaux du Roi. Nous perdîmes Barcelone, la Catalogne et Casal, la clef de l’Italie. Nous vîmes Brisach révolté, sur le point de retomber entre les mains de la maison d’Autriche. Nous vîmes les drapeaux et les étendards d’Espagne voltigeant sur le Pont-Neuf ; les écharpes jaunes de Lorraine parurent dans Paris avec la même liberté que les isabelles et les bleues. On s’accoutumoit à ces spectacles, et à ces funestes nouvelles de tant de pertes. Cette habitude, qui avoit de terribles conséquences, me fit peur, et certainement beaucoup plus pour l’État que pour ma personne. M. de Fontenay, qui en fut pénétré, et qui le fut même de ce qu’il m’en vit touché, m’exhorta à sortir moi-même de la léthargie « où vous êtes, me dit-il, à votre mode : car enfin si vous vous considérez tout seul, vous avez pris le bon parti. Mais si vous faites réflexion sur l’état où est la capitale du royaume, à laquelle vous êtes attaché par tant de titres, croyez-vous n’être pas obligé à vous donner plus de mouvement que vous ne vous en donnez ? Vous n’avez aucun intérêt, vos intentions sont bonnes : faut-il que par votre inaction vous fassiez autant de mal à l’État que les autres en font par leurs mouvements les plus irréguliers ? » M. de Sève-Châtignonville, que vous avez vu depuis dans le conseil du Roi, et qui étoit mon ami très-particulier et homme d’une grande intégrité, m’avoit fait depuis un mois ou six semaines ; même avec empressement, des instances pareilles. M. de Lamoignon[1] qui est présentement

  1. M. de Lamoignon : Guillaume II étoit alors maître des requêtes.M. de Lamoignon : Guillaume II étoit alors maître des requêtes.