Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire pour moi. Tout ce que je viens de vous dire se passa le 20 d’octobre 1652.

Le 21, le Roi, qui avoit couché à Ruel, revint à Paris, et il envoya de Ruel même Nogent et M. de Damville à Monsieur, pour le prier de venir au devant de lui : il ne s’y put jamais résoudre, quoiqu’ils l’en pressassent extrêmement. Ils avoient raison et je suis encore persuadé que Monsieur n’avoit pas tort. Ce n’est pas qu’il y eût aucun dessein contre sa personne, au moins à ce que j’ai ouï dire depuis à M. le maréchal de Villeroy ; mais je crois que s’il eût été au devant du Roi, et que le Roi eût voulu s’en assurer, il y eût pu réussir, vu la disposition où étoit le peuple. Ce n’est pas qu’elle ne fût dans le fond très-bonne pour Monsieur, et, sans comparaison meilleure que pour la cour ; mais il y avoit une agitation et un égarement dans les esprits qui se pouvoient à mon sens, tourner à tout ; et je ne sais si l’éclat de la majesté royale, tombant tout d’un coup sur cette agitation et sur cet égarement, ne l’eût pas emporté. Je dis que je ne le sais pas, parce qu’il est constant que, dans la constitution où étoient les esprits, la pente du menu peuple et même celle du moyen, étoit encore tout entière pour Monsieur ; mais enfin il y avoit, à mon sens, raison et fondement pour l’empêcher de se hasarder, particulièrement hors des murailles. Je m’étonnois bien plus que les ministres exposassent la personne du Roi au mécontentement, à la défiance et à la frayeur de Monsieur, aux craintes d’un parlement qui avoit sujet de croire qu’on le venoit étrangler, et au caprice d’un peuple qui avoit toujours de l’attachement pour des gens desquels le cardinal étoit bien