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donner d’aller chez lui. Je rencontrai, comme j’y entrois, M. d’Aligre qui en sortoit, et qui lui venoit commander de la part du Roi de sortir de Paris dès le lendemain, et de se retirer à Limours. Cette faute a encore été consacrée par l’événement ; mais elle est, à mon sens, une des plus grandes et des plus signalées qui ait jamais été commise dans la politique. Vous me direz que la cour connoissoit Monsieur ; et je vous répondrai qu’elle le connoissoit si peu en cette occasion, qu’il ne s’en fallut rien qu’il ne prît ou plutôt qu’il n’exécutât la résolution qu’il prit en effet de s’aller poster dans les halles, d’y faire des barricades, de les pousser jusqu’au Louvre, et d’en chasser le Roi. Je suis convaincu qu’il y eût réussi même avec facilité s’il l’eût entrepris, et que le peuple n’eût balancé en rien, voyant Monsieur en personne, et Monsieur ne prenant les armes que pour s’empêcher d’être exilé. On m’a accusé d’avoir beaucoup échauffé Monsieur dans cette rencontre. Voici la vérité.

Lorsque j’entrai au Luxembourg, il me parut consterné, parce qu’il s’étoit mis dans l’esprit que le commandement que M. d’Aligre venoit de lui porter de la part du Roi n’étoit que pour l’amuser, et lui faire croire que l’on ne pensoit pas à l’arrêter. Il étoit dans une agitation inconcevable : il s’imaginoit que toutes les mousquetades que l’on tiroit (et l’on en tiroit toujours beaucoup ces jours de réjouissances) étoient celles du régiment des Gardes, qui marchoit pour l’investir. Tous ceux qu’il envoyoit lui rapportoient que tout étoit paisible, et que rien ne branloit ; mais il ne croyoit personne et il mettoit à tout moment la tête à la fenêtre pour mieux entendre si le tambour ne