Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/220

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pur travers d’esprit. Un soir que nous étions tous ensemble chez moi auprès du feu, Joly, qui y étoit présent, à propos de je ne sais quoi qui se rencontra dans le cours de la conversation, dit qu’il avoit reçu une lettre de Caumartin. Il la lut, et cette lettre portoit même avec force ce que je viens de vous dire de ses sentimens. Je remarquai que Montrésor, qui ne l’aimoit pas d’inclination, fit une mine de mystère mêlée de chagrin ; et comme je connoissois extrêmement ses manières et son humeur, je jetai quelques paroles pour l’obliger à s’expliquer. Il n’y eut pas de peine car il s’écria tout d’un coup, même en jurant : « Nous ne sommes pas des gens à manger des pois au veau : schelme qui dira que Son Eminence se doive et puisse accommoder avec honneur, sans y faire trouver à ses amis leurs avantages ! Qui le dira les y voudra trouver pour lui seul. » Ces paroles, jointes à un chagrin que je lui avois vu depuis quelques jours contre la palatine, me firent voir qu’il croyoit que Caumartin, qui étoit son ami particulier, eût ménagé quelque chose avec elle pour son profit à l’insu des autres. » Je fis tout mon possible pour l’en détromper je n’y réussis pas. Il réussit mieux à tromper les autres car il jeta le même soupçon dans l’esprit de M. Brissac, qui étoit un homme de cire, et plus susceptible qu’aucun que j’aie jamais connu des premières impressions. M. de Brissac réveilla là-dessus madame de Lesdiguières qui l’aimoit de tout son cœur dans ce temps-là. On ne manque jamais, quand on est dans ces sortes d’indispositions, à les fortifier de toutes les idées qui peuvent faire croire que les partis qui sont contraires à celui