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humain ; et je me souviens que je me disois vingt fois le jour à moi-même que la prison d’État étoit la plus sensible de tous les malheurs sans exception.

Vous avez déjà vu que je divertissois mon ennui par mon étude : j’y joignis quelquefois du relâchement. J’avois des lapins sur le haut du donjon ; j’avois des tourterelles dans une des tourelles ; j’avois des pigeons dans l’autre. Les continuelles instances de l’Église de Paris faisoient que l’on m’accordoit de temps en temps ces petits divertissemens ; mais on les troubloit toujours par mille chicanes. Ils ne laissoient pas de m’amuser ; et d’autant plus agréablement, que je les avois aussi prévus mille fois en faisant réflexion à quoi je me pourrois occuper, si il m’arrivoit jamais d’être arrêté. Il n’est pas concevable combien l’on se trouve soulagé quand l’on rencontre, dans les malheurs où l’on tombe, les consolations, quoique petites, que l’on s’y est imaginées par avance. Je ne m’occupois pas si fort à ces diversions, que je ne songeasse avec une extrême application à me sauver ; et le commerce que j’eus toujours au dehors et sans discontinuation me donnoit lieu d’y pouvoir penser et avec espérance et avec fruit.

Le neuvième jour de ma prison, un garde appelé Carpentier s’approcha de moi comme son camarade dormoit (il y en avoit toujours un d’eux qui me gardoit à vue, et même la nuit), et il me mit un billet dans la main que je reconnus d’abord pour être de celle de madame de Pommereux ; il n’y avoit dans ce billet que ces paroles : « Faites-moi réponse ; fiez-vous au porteur. » Ce porteur me donna un crayon et un petit morceau de papier, dans lequel j’assurai la réception du billet. Madame de Pommereux avoit trouvé habitude avec la femme de ce garde, et elle lui avoit donné cinq cents écus pour ce premier bil-