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dame de Chevreuse et par Laigues, auxquels le cardinal[1] dit en termes exprès qu’ils lui répondroient des actions de leurs amis et que s’ils tiroient un coup de pistolet, ils verroient l’un et l’autre ce qui leur en arriveroit. M. de Noirmoutier, qui n’avoit pas d’ailleurs, comme vous avez vu, trop d’amitié pour moi, se rendit aux instances de ses amis et à celles de sa femme, qui n’est pas une des meilleures de son sexe ; et il donna parole[2] à la cour qu’il ne me donneroit que des apparences, et qu’il ne feroit rien en effet.

Il tint sa parole : il ne traversa en rien le siége de Stenay, que le Roi fit en ce temps-là ; il éluda toutes les propositions de M. le prince, et il se contenta de parler et d’écrire toujours en ma faveur, et de tirer force coups de canon lorsque l’on buvoit à ma santé. Il eût eu pourtant peine à soutenir long-temps ce personnage, si Bussy-Lameth, qui avoit de l’esprit et de la décision, eût vécu. Celui-ci dit à Malclerc, qui y avoit été envoyé de la part de mes amis ces propres mots : « Noirmoutier veut amuser le tapis ; mais je le ferai parler français, ou je lui surprendrai sa place. » Le pauvre homme mourut d’apoplexie la nuit même. Le chevalier de Lameth, qui étoit le major dans la place, y étant demeuré le maître par cette mort, le vicomte son frère aîné s’y jeta, et il y demeura très-fidèlement dans mes intérêts. L’abbé de Lameth leur cousin et le mien, et qui étoit mon

  1. Le cardinal : Ce ministre étoit rentré en triomphe à Paris le 3 février 1653.
  2. M. le maréchal de Villeroy donna avis de cet engagement avec la cour à madame de Lesdiguières, le quatorzième jour de ma prison. (A. E.)